Coussins entaillés







Laisse donc ton pays et émigre.
Voyage tu pourras remplacer ceux que tu auras quittés
Et peine car la douceur de vivre est dans la peine.
Ne vois-tu pas que l’eau qui croupit s’avarie ;
Qu’à couler elle bonifie faute de quoi elle se dégrade
L’idée de voyage suppose d’avoir le choix de rester ou de partir. Or la vie n’est pas ainsi faite : des milliards de personnes sont cantonnées dans leurs maigres biens et n’arrivent pas à s’évader. Les coussins emprisonnent des touffes de plumes qui ne demandent qu’à être délogées pour cheminer ailleurs. A viser une transcendance plus élévatrice de l’âme.
Suite à mes plusieurs hospitalisations dues à différentes difficultés de santé, je me suis vue alitée pendant plusieurs jours, la tête coincée dans des oreillers ou des coussins.
Et à force de côtoyer les coussins, je n’ai pas pu m’en libérer. J’ai donc marqué cette page douloureuse de ma vie en travaillant dessus. Telle l’artiste Rebecca Horn. J’ai accroché les coussins sur des arbres dans un petit bois et à l’aide d’un cutter, j’ai fait une entaille pour en libérer le contenu. Les plumes ainsi s’évadent des coussins et s’envolent au gré du vent et entament la danse de la liberté, heureuses de fuir le tissu des coussins qui les emprisonnait. Le geste violent, tranchant du cutter contraste avec la douceur du mouvement des plumes retrouvant leur liberté.